mardi 20 janvier 2015

XVe : Robe à Tassel - Partie 1/3 : présentation du projet et étude du "tassel"



La robe à tassel kézako ? Cette robe, la plupart d’entre vous l’ont déjà vue, certainement très vulgarisée, mais elle reste une image d’épinal de costume féminin au Moyen Age. 

On la trouve également sous le terme de « Burgundian dress » (vous trouverez d’ailleurs beaucoup plus de visuels sur internet  avec le nom anglais que français)


Illustraiton : Patrick Dallanegra

Cette robe est l’évolution de la houppelande, robe fourrée portée au début du XVe siècle. Très ample, cette dernière est cintrée sous la poitrine par des plis profonds et une ceinture fine. Au fur et à mesure, le haut de la robe et les manches sont ajustés, la ceinture s’est élargie et l’encolure s’est ouverte pour laisser apparaître la fourrure : on arrive donc à la robe à tassel. On peut employer ce terme dès 1460 et cette fameuse robe a perduré jusqu’à la fin du siècle.

Illustration venant de l'étude de Marie Vibbert
Si vous souhaitez tout connaître sur la robe à tassel, je vous conseille l’excellente étude de Marie Vibbert sur ce sujet. C’est en anglais, c’est long et un peu technique, mais une Bible, concernant cette robe (http://cleftlands.cwru.edu/BurgundianCostume.pdf)


J’ai passé tellement de temps sur l’étude de cette robe que je connaissais, au final, très très mal, que j’écrirai plusieurs articles pour vous présenter ma version.
Ce premier article parlera du fameux "tassel" et de la robe de dessous.
Le second se concentrera sur la robe d’apparat (et sa problématique d’ouverture…) et enfin, le troisième s’articulera autour du « hennin » qui n’en est pas un !


-       Le tassel ? Comment, quoi, que faire ?

Visuellement, nous avons donc cette robe extérieure à large décolleté en V qui laisse apparaître un mystérieux « triangle » de tissu (le plus souvent noir, parfois d’autres coloris mais toujours unis).
Ritratto di Maria Portinari de Hans Memling

La question est : comment cette pièce qui semble bien plate et bien en place est-elle maintenue ? Je vous propose trois hypothèses :

-       - La première, que j’ai éliminée d’office : celle d’une pièce de tissu triangulaire accrochée/agrafée à même la robe extérieur. Les portraits ne semblent absolument pas montrer cela, la robe ne serait pas aussi ajustée (rappelons que les femmes ne portent pas encore de corps piqués/baleinés) et la pièce ne serait pas aussi bien maintenue. La tension écarterait les bords de la robe qui ne seraient plus aussi bien positionnés. C’est pour moi une technique de spectacle utilisable pour le déguisement ou encore le théâtre.

-      La seconde m’a été inspirée par une pièce existante qui est anachronique d’un demi-siècle d’avance. Il s’agit d’un corsage de Eleonore de Tolède qui, sans être un corset, semblait pouvoir être très ajusté et donc « créer » une certaine silhouette, ce qui conviendrait à celle de la robe à tassel. Pour plus de détails sur cette théorie et analyse, je vous invite à consulter l’article de « sevenstarwheel » qui a également fait sa propre « Burgundian dress » : 
Corsage d'Eléonore de Tolède cc 1560
-       La troisième est certainement la plus historique : il s’agirait de porter sous la robe extérieure une cote lacée sur le devant, sur laquelle serait épinglé le fameux tassel, une pièce de tissu rectangulaire, ou bien un bandeau qui entourerait la poitrine. Rappelons qu’à cette période, les femmes portaient toujours au minimum la chemise, une robe (la cote) et une robe d’extérieur (surcot, cotehardie, houppelande, bliaud ou ici, robe à tassel).
Pour plus de détail, je ne peux que vous recommander encore une fois de lire l’étude de Marie Vibbert mais surtout de lire le numéro spécial Thématique de « Histoire et Images Médiévales N°30 » où Marie de Rasse a retracé sa reconstitution de robe à tassel . Elle explique très clairement la logique de cette construction et ses preuves d’existences.
Illustration de Grace Vibbert pour Marie Vibbert


Passons maintenant à ma version.
Il a fallu composer avec deux contraintes principales :
-       Clémentine (oui, car la robe n’est pas pour moi) souhaitait un visuel et une silhouette les plus historiques possibles (forcément, quand on fait une robe pour une historienne…)
-       Les canons de beauté de l'époque ne sont pas ceux d'aujourd'hui. Dame Nature l’ayant généreusement dotée au niveau du buste, je voulais une silhouette plus "lissée". Ici, nous avions ici une très importante différence entre le tour sous-poitrine et le tour de poitrine. Il a fallu s’adapter pour recréer la bonne silhouette.
-       Et enfin, nous avions un budget qui, sans être petit, était tout de même restreint (alors que la robe à tassel est une robe d’apparat et de noblesse et donc souvent réalisée dans des étoffes couteuses)

J’ai fait un mixte des hypothèses 2 & 3 : j’ai voulu faire une cote sur laquelle sera épinglé le tassel rectangulaire. Néanmoins, afin d’aplatir/réduire notre généreuse poitrine, j’ai décidé de travailler le corsage de la cote avec un lacet dans le dos et non devant. Ce positionnement du laçage dans le dos correspondrait donc plutôt au « corsage » d’Eleonore de Tolède, et permet une meilleure tension pour plaquer la poitrine que si le laçage avait été devant.
Notons que si nous avons l’habitude de voir la cote (ainsi que la cotehardie) sans couture à la taille, j’ai appris que cela pouvait exister (cf Marie de Vibbert). Une jupe sera donc cousue à ce corsage
Moulage de la cote
Cette cote a donc été réalisée dans un satin de coton rouge et renforcé de coutil au niveau du corsage. Ce choix de tissu n’est pas historique, mais nous l’avons fait pour des questions de budget et de solidité. Nous avons tout de même souhaité rester dans des matières naturelles.
A la base, nous pensions faire cette cote en satin de coton noir, ce qui nous aurait permis d’éviter d’épingler une pièce volante, le corsage bien plat faisant office de « tassel ». Néanmoins, suite à nos recherches visuelles et grâce à ces dames qui aimaient révéler leur jupon en relevant leur ourlet par coquetterie, nous n’avons trouvé aucune cote noire. Nous avons donc opté pour une cote rouge, avec un tassel épinglé noir, qui s’associera parfaitement à la couleur taupe de la robe en se référant aux associations de couleurs médiévales.


Bijoux : Agenor

Tassel épinglé à la cote - Bijoux : Agenor
Prochain article : la robe d'apparat de ce costume !

8 commentaires:

  1. Article très intéressant, merci !

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  2. Bonjour,
    Quelle chemise utilisez-vous sous la cotte rouge ? Je suis à la recherche de ce genre de "décolleté" sur une chemise simple en lin mais impossible de trouver !

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    1. Bonjour Maëlle,
      Normalement, ce genre de chemises sont juste un assemblage de rectangle, froncée à l'encolure et vous pouvez faire une finition avec un biais coupé dans le tissu.
      Ici, faute de temps et de budget, nous avons opté pour une chemise de chez Armstreet, dont j'ai refait l'ourlet et redécoupé l'encolure pour être à la largeur que je souhaitais. J'ai découpé dans la chute de l'ourlet la bande la plus en biais que je pouvais et refais une finition à la main. :)

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    2. Effectivement je vois de laquelle il s'agit, merci !

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  3. Ce mot descend directement du mot d'origine romaine "taxillus",qui signifie une petite pièce en bois, de forme carré ou bâtonnet. Le mot taxillus était employé aussi pour le jeu de dé ou d'osselet.

    On l'employait aussi pour désigner une pièce en bois de petite taille qui servait à fermer ou tenir quelque chose, tel qu'un bouchon de barrique, une petite planche pour irriguer...

    On utilisera toujours le mot dans sa forme première de "fermoir", mais pour l'habillement, et plus particulièrement le manteau et la cape très en vogue à partir du 6ème siècle.

    Le mot évoluera de sa forme romaine vers la langue germanique de l'époque, entre taxillus et "tescheln" qui désigne la poitrine en vieil allemand, c'est justement à cet endroit que le fermoir ce situe pour le "tasselmantel".C'est tout simplement l'évolution de la fibule!!

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    1. C'est terriblement intéressant ! :) Je ne suis pas du germanophone et je trouve ça génial qu'un mot nous raconte l'histoire d'un vêtement/accessoire !

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  4. C'est vraiment dommage, énormément de choses m'ont fait tiquer dans ces articles.

    Premièrement dans quel but a été créer cette robe? Reconstitution? Film ou apparition dans un film ou téléfilm? J'en déduis que si votre amie est "historienne" elle fait surement de la reconstitution: un autre problème se pose dans ce cas là. Pour rester historico-compatible, autant l'être jusqu'au bout. Brocard de soie, lin, fourrure (bon il y a des bonne fausses fourrures maintenant.). Si elle n'a pas le budget pour une vraie tassel, autant faire une autre robe, ou la faire soi même.

    Deuxièmement pourquoi faire un corset? Dans la robe a Tassel, c'est la ceinture qui marque la taille, il n'y a pas de corset!

    Troisièmement: Pourquoi vouloir aplatir la poitrine de votre amie?
    La robe a Tassel est le "push up" de l'époque plus les seins sont imposant mieux c'est! Et puis cet argument comme quoi l'anatomie de l'époque n'est pas la même que celle de maintenant, je trouve ça limite quand même... Les portes dans les châteaux sont basses, question de stratégie!

    Quatrièmement: le choix des tissus, encore une fois, une vraie robe à Tassel refaite historiquement ça coûte un bras!

    J'en resterais là pour les choses qui me font tiquer, même s'il y en a d'autres, sur la coiffure notamment...

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    1. Bonjour,

      Oui il y a toujours des choses à améliorer, et que plusieurs années après cette réalisation je corrigerais.

      Néanmoins je reste surprise par quelques intransigeances : on a pas le budget, donc on fait pas ? Cette robe a été faite pour son plaisir, je trouve dommage de se limiter pour une notion d'argent. D'ailleurs, je spécifie lorsque je n'utilise pas un tissu historique (satin de coton par exemple), et les raisons pour lesquelles je le fais.

      Il ne me semble pas parler de reconstitution dans cet article pour lanbonne raison que ça n'en est pas. Éventuellement de la restitution.

      Pour la morphologie, j'ai mal choisi mes termes à l'époque. Non ce n'est pas tant sa morphologie qui ne correspond pas que les codes de beauté.
      J'ai choisi l'hypothèse de la cotte qui est plausible au vu de la période (je ne me lancerai pas aujourd'hui dans le débat du corset médiéval (qui est une cotte serrée entendons nous bien, et qui n'a rien à voir avec un corset XIXe)). D'ailleurs pour éviter tout risque de confusion dan sl'article je n'ai pas utilisé ce mot...

      Et enfin les cheveux. Je pense que vous avec mal lu l'article (qui est le premier sur une série de 3). Ce sont juste des photos d'atelier, en cours de réalisation. Si vous souhaitez en voir plus que la coiffe finale, c'est l'article 3.

      Je suis toujours ouverte à la discussion, c'est même ce qui me passionne dans le costume. Mais je trouve dommage de voir, et ce que mon impression je me trompe peut être, de voir autant de négativité dans votre approche alors que je n'ai pas l'ai l'impression que vous ayez saisi le fond de la démarche, comme si lu en diagonale (je vous l'accorde qu'il est bien long cet article.

      Il y a deux articles qui complètent celui ci, si le cœur vous en dit de les lire, peut-être comprendrez vous mieux l'idée de ma démarche ;)

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